Formation pour les accompagnateurs du 11 au 13 janvier 2024
Les Chemins ignatiens en Bordelais ont organisé trois jours de session pour travailler à « mieux écouter les personnes victimes d’abus ». Nous étions une bonne 40e de participants de spiritualités et d’horizons divers (laïcs, prêtres, religieux, religieuses) à suivre cette formation.
Le travail de mise à jour, de diagnostic et de préconisation réalisé par la CIASE et par d’autres, ont permis de prendre l’ampleur des abus commis dans l’Église et ailleurs. La parole se libère et aujourd’hui il n’est pas rare d’entendre une personne révéler qu’elle a été victime d’abus, dans le cadre d’une rencontre ou d’un accompagnement spirituel.
Le sujet est tellement grave et douloureux qu’il est bon de s’informer et de se former pour bien se situer dans l’écoute et pour se disposer à accueillir des personnes qui portent une grande souffrance, tue parfois pendant des décennies.
À partir de topos (qu’est-ce qu’un abus ? que dit la loi ? quelle est la situation dans notre Église ? etc.), d’études de cas réels, de films, d’échanges entre nous, nous avons pu approcher la réalité des abus et leurs conséquences aux plans humain et relationnel, psychologique (le trauma psychique), spirituel (lorsque la Parole de Dieu, les sacrements, l’autorité dans l’Église sont dévoyés à des fins d’emprises et d’abus). C’est donc d’une manière large que nous avons abordé la question, mais toujours dans la perspective de l’accompagnement spirituel. Car nous sommes un, et c’est l’ensemble de notre être – corps, âme, esprit –, de notre histoire – avec ses grâces et aussi ses drames – qui a du prix aux yeux de Dieu et qu’Il appelle au salut. C’est pourquoi l’horreur de l’abus, du crime, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne (y compris du récit d’une personne qui a abusé), a toute sa place dans une démarche spirituelle, pour être ouvert à la grâce de Dieu et à la fraternité humaine.
Bien sûr, accueillir et accompagner de telles souffrances nous laissera souvent démuni et impuissant. Il n’empêche : notre rôle est d’être là, d’écouter jusqu’au bout, de prendre appui sur les ressources qui existent et d’avoir foi que Dieu travaille et ouvre un avenir.
Moniale bénédictine, j’ai particulièrement apprécié de vivre cette formation dans la diversité d’une Église en chemin. Et si la réalité du sujet abordé est rude et parfois décourageante, la communion partagée au long de ces jours manifestait la présence de « Dieu avec nous ».
Sr. Marie-Bernard
J’ai pu suivre cette formation « Mieux écouter les personnes victimes d’abus » de 3 jours très denses. L’ambiance fraternelle et le découpage entre enseignement, partage en groupe, partage en tablée, films, a fait que le temps ne m’a jamais paru long. Dans les cas étudiés, basés sur des faits réels, le temps long concerne d’abord la structure (famille, communauté) qui refuse de voir, masque la réalité pour se protéger ou apporte des moyens inappropriés à la victime. Ensuite, il y a le temps long de l’accompagnement des victimes pour se reconstruire. En tant qu’accompagnateur, j’en ai retenu que je peux préparer le chemin de la victime en rappelant sans cesse qu’elle n’a aucune culpabilité à avoir, ni sur l’acte qu’elle a subi, ni sur les conséquences de sa reconnaissance. Car c’est bien cette reconnaissance du statut de victime qui va lui permettre de passer la vitesse supérieure dans sa reconstruction. De mettre au centre l’écoute des plus petits (les victimes), de prendre conscience de la violence du traumatisme subi et de ses conséquences, m’a paru un chemin profondément d’Evangile. Il a été réconfortant pour moi d’être dans ce lieu d’Eglise où cette vérité est défendue sans réserve. Oui, en faisant silence, au milieu de ma vie qui déborde de rencontres, d’activités, de joie et d’obligations, j’ai pu, en me laissant guider par mes accompagnateurs et l’expérience des jésuites, j’ai pu découvrir que Dieu vient véritablement éclairer ma vie quotidienne à travers les textes. C’est une expérience inouïe, une vérité que je souhaite vous partager aujourd’hui..Xavier, diacre et aumônier de prison
Lorsque les CIB ont lancé cette invitation à participer à cette formation, j’ai en fait réagi en deux temps : – un premier mouvement de recul et de saturation sur cette question récurrente et douloureuse car j’avais suivi, avec beaucoup d’attention via les chroniques et articles de fond du journal La Croix, les suites du rapport de la CIASE, les travaux de la CIVISE et lu jusqu’à l’écœurement et la nausée les révélations sur les frères dominicains Philippe, la communauté Saint Jean, les foyers de Charité, les Béatitudes, l’Arche, les jésuites Marko Rupnik et Maurice Joyeux etc… et je n’avais pas envie de me replonger sur ces séries de comportements lourds à accepter, impossibles à comprendre… et j’avais à ma disposition des tas d’excuses personnelles et familiales pour ne pas me lancer dans cette formation ! Ceci m’a conduit à retarder de jour en jour ma prise de décision. Le flyer d’invitation du CIB est resté longtemps sur mon bureau, en évidence mais c’est l’appel (répété !) de M-C. Ciotta qui m’a poussé à discerner en vérité ce qui me retenait pour m’inscrire ou non à la session …. Ce que je n’ai fait que peu de jours avant le début de la formation. En fait au delà de l’aspect formation «continue» pour les accompagnateurs, qui est assez naturel et nécessaire, dans la proposition de cette session, c’est bien la place centrale des victimes et l’importance de leur écoute qui a emporté ma décision : ce qui m’a alors paru déterminant n’était pas l’analyse de mes réactions personnelles en face de la réalité de ce phénomène, certes difficile à supporter, mais bien l’appel à entendre la priorité donnée a l’attention à apporter aux personnes (si nombreuses) ayant subies des violences et la nécessité de développer par une écoute renforcée ma propre sensibilité pour repérer, identifier et ensuite prendre en compte de la façon la plus délicate, appropriée et respectueuse leur souffrance. Bref j’ai reçu cet appel comme à la fois une mise en garde car dans l’accompagnement car nous touchons au « territoire sacré et massacré » d’une personne et comme la nécessité de me préparer à ces rencontres imprévisibles et par définition inattendues. Cette préparation a consisté au cours de la session à privilégier des temps de partages de paroles, par groupe de 5 -formant communauté- pendant ces 3 jours, précédés d’un temps de silence et de prière, pour écouter leur résonance avec ma propre expérience, après l’étude documentée de cas concrets d’abus et de films récents sur ces thèmes ; la méthode proposée qui reposait sur un cadre «quasi synodal» au sens premier, a permis d’apprendre de l’autre et des autres, bien sûr des connaissances comportementales, médicales, juridiques, psychologiques et sociales mais a fait aussi fait émerger pour moi, la nécessité d’une attitude d’humilité parfois silencieuse, mot qui est souvent revenu au cours de la session car les signes repérables sont souvent imperceptibles et se manifestent «à bas bruit» et sur un temps long ; ce concept de temps long, voire très long a été pointé dans quasiment tous les cas d’abus et films partagés et la contrepartie pour l’accompagnateur est la nécessité impérieuse de cultiver sa propre patience. Lors de la session m’a enfin frappé la grande négligence, finalement ambiante, voire la violence assez naturelle, à l’égard du second acteur des violences sexuelles, à savoir la personne qui a abusé, le prédateur : très vite s’est posé la question de la miséricorde, de la réconciliation, du pardon qui ont ouvert un champ de réflexion, ignoré par moi et par d’autres et suscité alors un lieu de réflexion, de conversion et de prière.Antoine